Par Émilie Goffin de l’organisme Access-i
Collaboration spéciale dans le cadre d’une mission au Québec
Voyager vers Montréal pour une mission professionnelle en lien avec le tourisme accessible, est pour moi une réelle opportunité. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai préparé ce séjour avec l’association Kéroul. Quand mes correspondants m’ont proposé de me glisser dans la peau d’une touriste à besoins spécifiques le temps d’un week-end, j’ai accepté sans hésiter, bien que mon profil ne me semble pas être le meilleur.
Quoique …
Le week-end a débuté à Montréal, cette ville trépidante et accueillante, où je me suis très rapidement sentie « comme à la maison ». Ma seule inquiétude ce samedi matin-là était le manque de neige. En effet, depuis mon arrivée des températures plutôt clémentes pour la saison avaient fait disparaître le « manteau blanc canadien », tellement réputé depuis la Belgique, comme en atteste cette photo prise sur la Place d’Armes.
Mes deux guides de Kéroul, Jean-François (qui s’occupe des partenariats) et Laure (qui coordonne les conseils en accessibilité), sont passés me prendre. Autant dire que pour cette mission, je suis bien entourée. Ensemble, nous avons pris la direction de Rawdon, localité située dans la région Lanaudière, pour y tester une activité hivernale faisant partie de La Route Accessible. Cette route est un outil de planification de voyage destiné aux personnes ayant des besoins spécifiques (moteur, auditif ou visuel). J’allais pour la première fois tester une escapade en traîneau à chiens. Il paraît que ce sont surtout les touristes étrangers qui sont friands de ce genre d’activité. Cela tombe bien, j’ai le profil idéal pour cette sortie. Nous sommes alors arrivés chez Kinadapt, une entreprise qui offre aux clients ayant une limitation fonctionnelle une expérience sur mesure. En arrivant, il y avait de la neige en quantité appréciable, chouette alors.
Rapidement, j’ai été accueillie par les nombreux pensionnaires présents sur le site, aussi beaux que sur les photos, mais en mieux. J’ai ensuite eu l’occasion de rencontrer la propriétaire des lieux, Madame Carole Turcotte, qui m’a expliqué l’ensemble de la chaîne de services proposés lorsqu’une personne en fauteuil roulant réserve une sortie en traîneau à chien. Ensemble, nous avons identifié le parcours réalisé par la personne depuis la place de stationnement et le lieu du départ, et j’ai pu me rendre compte de l’adaptation réelle des gestes habituellement proposé au public valide.
Il y a avait du monde ce samedi-là pour profiter de la neige, du grand air et de la compagnie des chiens de traîneau. Nous avons eu l’occasion de patienter dans un petit refuge, autour d’un feu et d’un café bien chaud, accompagné d’un délicieux muffin maison, préparé par une voisine du centre.
J’ai également eu l’occasion de rencontrer et de discuter avec Monsieur Peter W. Boutin, le fondateur de Kinadapt. Nous avons échangé quelques propos sur la Belgique et le Québec. En effet, il accueille des étudiants belges en kinésithérapie qui viennent réaliser des stages auprès de lui. Il m’a expliqué son parcours, ses motivations à ouvrir le centre et sa joie à y accueillir des personnes à besoins spécifiques.
Mon tour est alors arrivé, et je suis allée faire la connaissance de mon guide, un jeune homme originaire de Croatie. Il m’a présenté les chiens de tête et m’a donné quelques informations sur notre traîneau. En effet, je n’allais pas m’installer dans un traîneau traditionnel, mais plutôt un traineau adapté. Celui-ci présente une zone d’assise plus grande et renforcée par une toile solide et imperméable. Elle se compose également de deux pans permettant de fermer la zone et de protéger la personne.
En fonction des besoins de maintien, propres à chaque participant, des coussins et des couvertures peuvent également être ajoutés à l’intérieur. Avant de partir, deux sangles sont ajustées afin de garantir un soutien optimal. D’ailleurs, juste avant moi, une maman et son jeune enfant, tous les deux valides, avaient pris place dans ce même traîneau. Preuve en est que même adapté pour un public particulier, un produit peut convenir au plus grand nombre. Bref, je me suis rapidement installée, car les chiens étaient plus que décidés à m’emmener en ballade, sinon le traîneau allait partir vide ! Entre vide et vite, il n’y a qu’une seule lettre de différence, mais justement, elle a fait la différence. A vive allure, l’attelage m’a baladée dans les bois et sous-bois proches du centre. J’ai eu l’occasion d’apprécier l’air frais et un peu de neige fraîche sur le visage comme pour me rappeler que j’étais bien au Québec. Mon guide a eu quelques rattrapages à faire avec un des deux chiens de tête, qui était en cours d’apprentissage. Celui-ci avait un peu de difficultés à comprendre les consignes, mais c’était plutôt amusant que vraiment ennuyant. C’est là que je me suis rendu compte qu’être guide de traineau à chien demande une réelle formation, autant qu’être chien de tête certainement.
Cette expérience touristique mais également humaine m’a réellement touchée. J’ai eu le plaisir de rencontrer des personnes passionnées par leur activité professionnelle et ayant des valeurs sociales très fortes. Cette adéquation offre une plus-value très intéressante tant pour le produit touristique proposé que pour les touristes à besoins spécifiques et leurs accompagnateurs.
Le soir commençait doucement à tomber et il nous fallait prendre la route vers notre deuxième destination, située dans les Laurentides, et plus précisément dans le village de Saint-Adolphe-d’Howard. En chemin, nous nous sommes arrêtés pour faire quelques achats, et je ne peux résister à l’envie de vous dire qu’il y avait de la bière belge au frais dans cette petite épicerie. Je précise, tout de même, que je ne suis pas rétribuée pour placer des produits belges dans ce récit et que « une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse ».
Nous sommes alors arrivés à destination : le gîte Vita Bella (comprenez chambres d’hôtes), une imposante bâtisse entourée d’arbres et de neige, se dressait devant nous. Jean-François et Laure connaissaient déjà les propriétaires, Tom Siletta, et son épouse Lyne Caissy. En effet, leur gîte est lui aussi membre de La Route Accessible. Il a reçu la certification Kéroul la plus élevée : accessible aux personnes ayant une déficience motrice. Quoiqu’il en soit, j’étais bien curieuse de découvrir ce bâtiment et de me rendre compte en personne de son accessibilité, mais j’allais devoir patienter un peu. L’accueil a été très chaleureux, et je me suis rapidement sentie à l’aise. Les propriétaires se sont tout de suite préoccupés de mon voyage depuis la Belgique et du début de mon séjour. Ils étaient également curieux de recevoir mes impressions sur ma sortie de l’après-midi. Ensemble, nous avons pris quelques minutes pour une première visite des lieux, et donc des 3 chambres proposées aux visiteurs. Quand je dis quelques minutes, n’allez pas penser que je me suis rapidement couchée ce soir-là. En effet, Tom et Lyne ont beaucoup de choses à raconter sur leur projet et surtout sur sa réalisation. Autour d’un verre et près du feu ouvert de leur pièce de séjour, j’ai eu l’occasion de les écouter, de leur poser des questions et de mieux comprendre leur riche parcours. Celui dont on peut voir le résultat maintenant: une maison chaleureuse pensée avec soin et rigueur, proposant 3 chambres accessibles aux visiteurs en fauteuil roulant et à leurs accompagnateurs.
La soirée fut remplie de conversations passionnantes autour du repas préparé par Lyne et des spécialités développées par Tom, dont une grappa au sirop d’érable très prometteuse. J’ai pu encore mieux comprendre la motivation des propriétaires dans ce projet d’accueil touristique et leur implication dans leur communauté locale. Il commençait à se faire tard, avec Laure et Jean-François, nous avons pris congé de nos hôtes pour nous glisser sous nos couettes douillettes et rêver d’un environnement toujours plus accessibles à tous. J’étais loin d’imaginer que j’allais encore faire quelques découvertes avant mon départ le lendemain.
Le jour s’est levé, tranquillement et sans aucun bruit, sur ce petit coin du Québec, et par la fenêtre de ma chambre, j’ai eu l’occasion d’observer le soleil se lever derrière la colline. J’ai tout de suite eu envie de partager ce moment avec ma famille restée en Belgique et leur dire combien mon séjour était enchanteur.
La maison était calme, mais Tom et Lyne étaient déjà très actifs, préparant notre réveil et le petit déjeuner. Lyne avait à nouveau mis les petits plats dans les grands en nous présentant le menu du matin. Un régal tant pour les papilles que pour les yeux.
Autour de la table, Tom nous a alors annoncé les projets qu’il avait encore dans ces cartons et nous proposa de prolonger notre séjour par une petite visite des lieux, en raquettes de neige. Avec Laure, nous avons accepté sans hésitation, tandis que Jean-François envisageait de prendre quelques photos des alentours.
Durant cette petite promenade, agrémentée d’un généreux soleil et de températures agréables, Tom nous a expliqué ces prochains projets : l’aménagement d’un sentier en pente douce, qui permettra à ses visiteurs de profiter de la nature qui entoure la maison. Il envisage en plus, au sommet, d’y réaliser un petit espace confortable permettant d’admirer la vue et d’y faire un pique-nique. Décidemment, il ne manque vraiment pas de créativité !
Le temps passe vite quand vous êtes bien entourés ! La matinée était déjà bien avancée et il nous fallait déjà reprendre la route vers Montréal. Avant de se quitter, Laure nous a proposé de prendre une photo souvenir, tous les quatre : Tom, Lyne, Jean-François et moi. C’était vraiment une très bonne idée. Au-delà de cette belle image, je garderai en mémoire un accueil avec une plus-value humaine très forte. Même si j’ai déjà eu l’occasion de leur dire sur place, je remercie encore chaleureusement Tom et Lyne pour leur authenticité et leur accueil sur mesure.
En débutant l’écriture de ce récit, et même bien avant, en acceptant la mission, j’avais un doute sur mon profil. Avec le recul, je pense que même si je n’étais pas la meilleure des candidates, j’ai eu l’occasion de me rendre compte que l’offre touristique accessible est un secteur du tourisme où se rejoignent des valeurs importantes et indissociables : l’hospitalité, la qualité, la créativité, l’accessibilité et la durabilité. C’est également un secteur disposant d’un très haut degré de professionnalisme, au travers d’associations comme Kéroul, capables d’orienter et d’accompagner au mieux les opérateurs qui souhaitent s’engager dans cette direction.
C’est donc remplie d’optimisme que j’ai quitté le Québec.