Voler à destination de Kansas City

Par Christian Généreux

IMG_2061Le Dole Institute of Politics situé à la Kansas University m’offrait, en avril 2015, une bourse de recherche. L’honneur et la fierté m’habitaient. J’allais pouvoir aller fouiller dans les archives de Robert Dole (républicain du Kansas, représentant de 1963 à 1969 et sénateur de 1969 à 1996). Cela enrichirait mes travaux de maîtrise. Je découvrirais comment celui-ci avait influencé l’élaboration de législations relatives au handicap aux États-Unis.

Il y avait un os! Je n’avais jamais pris l’avion et je me déplace en fauteuil roulant motorisé. J’ai donc dû planifier mon déplacement aérien avec minutie et longtemps avant mon départ. Je m’en allais à Kansas City, une petite ville du Midwest américain qui n’est desservie par aucun vol direct de Montréal, et où très peu par de gros porteurs pouvant facilement embarquer un fauteuil motorisé atterrissent. Je devrai « jouer du coude » pour organiser ce premier voyage en avion.

Une organisation de voyage tout en zigzag 

Malgré les conseils de quelques personnes, j’ai eu tout d’abord l’idée de faire affaire avec un agent de voyages. Quelle erreur ai-je faite? Cet agent naviguait à vue. Il apprenait en même temps que moi. Il ignorait l’importance de tenir compte des dimensions de mon fauteuil afin que l’on puisse le rentrer dans la soute. J’ai vite tourné les talons.

Le meilleur moyen devenait que je transige directement avec les transporteurs aériens. Je les ai donc appelés un par un : chez Air Canada, pas de vols entre Montréal et Kansas City pouvant prendre mon fauteuil roulant; même chose chez United Airlines et American Airlines. Le découragement m’a atteint… Que faire? Abandonner? Persister? Le gars « y a une tête dure »! Le deuxième choix a prévalu.

L’éclair est venu en discutant avec un agent chez Delta Airlines… On pouvait, semble-t-il, embarquer mon fauteuil en repliant le dossier. Bien que j’étais excité d’avoir une solution, le scepticisme était tout de même présent : est-ce possible avec mon fauteuil? Est-ce que cela peut le fragiliser? Etc. Après consultation, les techniciens du centre de réadaptation m’ont donné le feu vert. Je partirai!

Embarquement immédiat pour Kansas City

carte-KC

Nous sommes arrivés, mon accompagnatrice, Maude, et moi, tôt le matin du départ. Nous aurions du temps si un pépin se présentait à l’enregistrement, à la sécurité ou à la douane. Il n’y en a pas eu et en moins de trente minutes, nous étions dans la zone internationale. À ma grande surprise, j’ai pu garder mon fauteuil jusqu’à la porte d’embarquement. Maude n’avait pas à me pousser et cela m’a permis d’être plus autonome. Il en a été de même à chaque escale, car j’y récupérais mon fauteuil roulant.

L’heure de l’embarquement arrive. On m’amène dans l’avion avec la traditionnelle Washington Chair. Cela se fait rondement. Pendant ce temps, les bagagistes installent mon fauteuil roulant dans la soute. De mon siège, j’assiste au spectacle. C’est un peu inquiétant! Ils sont quatre à forcer à bout de bras. Et le dossier n’est pas replié. Mon fauteuil est couché à l’horizontale sur la rampe afin qu’il puisse entrer dans la soute. Au bout d’un moment, il est rentré dans la soute, mais non sans encombre! À Détroit, nous avons constaté qu’un garde-boue a été arraché et le bras de la commande déplacé. Bien que ces bris soient mineurs, ceux-ci nécessitaient des réparations. Ainsi, une réclamation à la compagnie aérienne a été enregistrée.

Une vidéo YouTube mise en ligne récemment par disabledtravel.org montre les difficultés d’embarquement d’un fauteuil roulant dans les soutes d’avions.

video-avion

On peut le voir à : https://www.youtube.com/watch?v=F75Mv7zDC-o.

Le reste du voyage a été sans pépin : rien pour texter à sa mère! Étant donné que je marche sur de courtes distances, il était plus commode pour moi de sortir de l’avion de cette manière. Et, sur la passerelle, à chaque débarquement, un employé de l’aéroport m’attendait avec un fauteuil roulant et le temps d’attente pour que je récupère mon fauteuil ne dépassait pas dix minutes. Le seul petit bémol a été à mon arrivée à Pierre-Elliot-Trudeau, alors que les bagagistes n’ont pas su remettre le courant. Mais, après quelques minutes et avec notre aide, ils ont trouvé.

Retour marqué par les blues et les réparations

Dès mon retour, malgré les blues, il a bien fallu que j’entreprenne les démarches afin que mon fauteuil roulant soit réparé. Disons que, dès le départ, la collaboration de Delta Airlines a été entière. Le lendemain de mon arrivée au Kansas, son sous-traitant, l’entreprise Scoutaround de Winnipeg, m’a contacté pour vérifier l’ampleur des dégâts. Étant donné que les bris étaient mineurs, nous avons convenu que les réparations attendraient mon retour à Montréal. En moins de dix jours, le centre de réadaptation s’est entendu avec la compagnie aérienne, les réparations ont été effectuées et tout est rentré dans l’ordre.

Des observations pour voir un peu plus large

Au terme de cette première expérience aérienne, quelques observations s’imposent quant aux services reçus de chaque côté de la frontière.

  1. La première concerne la manutention de mon fauteuil roulant. J’ai dit précédemment qu’Air Canada ne pouvait pas offrir (ou ne voulait pas…) de replier le dossier de mon fauteuil roulant alors que Delta Airlines l’a fait sans problème. Peut-être cela tient-il de la différence entre les législations canadienne et américaine sur le transport aérien ? J’ai l’impression que lorsque l’on veut se rendre aux États-Unis, il vaut mieux y aller avec un transporteur américain.
  2. La deuxième observation concerne la formation du personnel. Il m’a semblé que le personnel en sol américain était plus habitué à manipuler un fauteuil roulant. Lors de mon embarquement à Kansas City, les bagagistes sont venus me voir pour inspecter mon fauteuil roulant avec moi et ils ont consulté brièvement les manuels d’instruction afin de bien le manutentionner.
  3. Ma dernière observation concerne la sécurité aéroportuaire. Les mesures mises en œuvre aux États-Unis semblent plus accommodantes pour les voyageurs ayant des incapacités. Ainsi, on m’a fouillé dans une zone isolée, la fouille a été minutieuse et mon fauteuil a été vérifié de fond en comble. Oui, c’est la soi-disant obsession sécuritaire américaine, mais, au lieu de m’en formaliser, j’aime y voir qu’enfin les voyageurs ayant des incapacités sont considérés comme n’importe quel autre voyageur.

Au-delà du déplacement aérien, le séjour au Kansas

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Et mon séjour dans tout cela? Des fouilles dans des archives, de belles trouvailles et… une tonne de documents numérisés pour de futurs projets de recherches! Du tourisme? Un peu! Lawrence est une jolie College town très verdoyante, à mille lieues du climat et des paysages arides que l’on s’imagine du Midwest américain. Le campus universitaire est à flanc de montagne. Il faut donc ne pas avoir peur de monter et descendre des pentes abruptes en fauteuil roulant. Le fouineur pourra retrouver des chemins praticables. Pour les autres, le réseau de transport est, prescription de l’ADA oblige…, très accessible.

Et, le baptême de l’air dans tout cela? Je ne dirai que trois mots : quand repart-on?

Quelques conseils pour voyager avec un fauteuil roulant motorisé

  • Commencer vos démarches le plus tôt possible (au moins 2 mois avant le départ)
  • Réserver directement avec la compagnie aérienne afin d’éviter les intermédiaires et avoir plus de flexibilité dans le choix d’un itinéraire qui tienne compte des dimensions de la soute pour l’embarquement de votre fauteuil roulant motorisé
  • Arriver à l’aéroport environ trois heures avant le départ
  • Prévoir un délai d’au moins deux ou trois heures lors des escales afin de contrer les problèmes qui pourraient survenir
  • Avoir avec soi les manuels d’instruction de votre fauteuil roulant, incluant les informations concernant les batteries, afin que le personnel de la compagnie aérienne puisse le démonter et le remonter adéquatement
  • Apporter quelques outils (incluant des « tie-wrap ») afin de réparer provisoirement les bris qui pourraient survenir
  • Garder confiance que tout ira bien!

Source : inspiré de wheelchairtravel.org et de la revue Le Baladeur, printemps 2015

NDLR : Malgré les conseils de Christian, Kéroul préconise de réserver par le biais d’un agent de voyages. Vous pouvez trouver la liste des agents formés par l’organisme au lien suivant : www.keroul.qc.ca/agents-de-voyages.html.

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