Voyage en Nouvelle-Zélande et en Asie du Sud-Est

Par Aurélie Loaëc

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En avril 2015, j’entreprends mon premier grand voyage. Cela faisait des années que j’avais envie de m’envoler vers d’autres cultures. Alors dès que j’ai fini mes études, je n’ai pas hésité et j’ai pris mes billets pour le Japon. Trois semaines d’émerveillement! Ces vacances au pays du soleil levant ont été un vrai déclic : j’ai attrapé le virus du voyage et compris que cette passion allait prendre une place centrale dans ma vie.

Alors aux grands maux les grands remèdes! Avec mon compagnon, nous décidons de demander un visa d’un an pour la Nouvelle-Zélande, pays riche en cultures et en paysages. Après un vrai parcours du combattant pour obtenir mon visa du fait de mon handicap (je suis atteinte d’une paraplégie spastique héréditaire), me voilà donc au pays du long nuage blanc. Mais cette bataille n’a pas été facile et par moments, j’ai failli baisser les bras. J’ai décidé de partager mon expérience pour montrer que c’est possible. C’est comme ça qu’est né mon blogue “I wheel travel”, où je raconte mes aventures à travers le monde et donne de l’information sur l’accessibilité (ou l’inaccessibilité!) des lieux que je visite. J’utilise un fauteuil roulant manuel en extérieur, une canne en intérieur, et je suis capable de monter quelques marches avec aide ou barre d’appui. Confrontée au manque d’informations sur l’accessibilité, je voulais aider à remédier à ce problème.

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Une fois arrivés en Nouvelle-Zélande, nous avons décidé de prendre notre temps et de nous immerger autant que possible dans la culture locale en vivant dans différentes familles pendant quelques mois avant de nous installer à Wellington. En échange de quelques heures de travail par jour, nous nous sommes intégrés dans ces foyers. Deux semaines par-ci, une semaine par-là, nous sillonnons le pays de famille en famille. Volcans, montagnes impressionnantes, lacs aux eaux bleues hypnotisantes, activité géothermique surprenante : je découvre de nombreuses merveilles dans un pays où l’accessibilité est très bonne. J’ai même pu visiter une grotte de vers luisants entièrement aménagée pour les fauteuils roulants! Au fil de ces mois, je découvre aussi un autre aspect du voyage qui va beaucoup me marquer : les rencontres. Car derrière les paysages de carte postale se cachent des instants de vie à partager, une multitude d’expériences à savourer et le plaisir d’un accueil à bras ouverts malgré le handicap. En l’espace de quelques mois, j’ai pu vivre dans une exploitation laitière, teindre des canapés en cuir, faire de la saisie de données, aider à donner des cours de cuisine ou encore soigner des agneaux. Mes craintes par rapport au handicap furent vite balayées par la bienveillance de ces personnes qui ont fait tout leur possible pour me rendre la tâche le plus facile possible, par exemple en créant une rampe d’accès de fortune à la maison ou en me confiant des tâches que je peux faire en restant assise. Le handicap a même été vecteur de nouvelles rencontres et expériences. Comme lorsque j’ai pratiqué de l’équitation et du ski adapté pour la première fois. Des souvenirs très forts, emplis de sens et de bonheur.

Après un an, nous quittons la Nouvelle-Zélande mais nos aventures se poursuivent. Nous voilà partis en Asie du Sud-Est pour trois mois. Au programme : Malaisie, Singapour, Indonésie et Myanmar. Cette partie du globe n’est pas réputée pour son accessibilité mais mon désir de découvrir cette région était plus forte.

J’ai eu raison de suivre mes envies : ce voyage a été d’une telle richesse que je m’en souviendrai très longtemps. Dès le premier soir, lors de notre arrivée à Kuala Lumpur, nous avons été immergés dans un monde tout nouveau pour nous. Enveloppés d’une chaleur humide qui colle à la peau, nous plongeons dans un monde à la diversité culturelle tant ethnique et culinaire que religieuse. Ici les cultures indiennes, chinoises et musulmanes cohabitent au quotidien, se nourrissant les unes des autres.

Quelques semaines plus tard, nous quittons la Malaisie pour rejoindre les terres indigènes de Tana Toraja sur l’île de Sulawesi en Indonésie. Quelle découverte! Cette partie du pays est éloignée et difficile à visiter en fauteuil roulant, mais j’ai eu un vrai coup de coeur. Quelle richesse culturelle et quels beaux paysages! Reclus dans les montagnes, le peuple Toraja vit dans des maisons traditionnelles « tongkonan » à la forme surprenante, au milieu des magnifiques rizières dans lesquelles les buffles d’eau se baignent. La vie des Torajas est marquée par l’omniprésence de la mort. Les Torajas continuent d’entretenir des relations avec les défunts bien après le jour du décès. Les lieux de sépulture sont surprenants et les cérémonies funéraires sont étonnantes : à la fois fascinantes, dérangeantes et brutales.

Après autant d’émotions, nous quittons Sulawesi pour rejoindre l’île de Bali et sa capitale culturelle, Ubud. Dans les rues, l’odeur de l’encens chatouille nos narines, et les notes des gamelans, orchestres traditionnels balinais, enchantent nos oreilles. Des temples gardés par des dragons et autres créatures apparaissent dans toutes les ruelles et cours des maisons d’hôtes. Nous voilà plongés au cœur de la culture hindoue.

Ces quelques semaines en Asie ont été riches en découvertes et malheureusement parfois éprouvantes concernant l’accessibilité. Il y a encore beaucoup de progrès à faire : les transports et la voirie sont rarement praticables en fauteuil roulant; trouver des sanitaires adaptés est un vrai défi, et les traversées en bateau pour rejoindre les îles sont inadaptées. Néanmoins, les initiatives favorables à l’handi-tourisme se multiplient; ascenseurs et rampes d’accès commencent à faire leur apparition sur les sites touristiques majeurs, et Singapour est un véritable îlot d’accessibilité au coeur de l’Asie du Sud-Est, un vrai paradis pour les personnes à mobilité réduite. Il y a même un village inclusif totalement adapté aux personnes handicapées, le Enabling Village : centre de formation, salle d’entrainement, voies de circulation, panneaux directionnels, hôtel, café, salle informatique, supermarché, tout est pensé pour que les personnes à mobilité réduite et les déficients visuels puissent accéder à tout le plus facilement possible. Et cela sans que les personnes valides ne s’en rendent comptent.

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L’Asie du Sud-Est n’est donc pas la zone la plus accessible du globe, mais il est toujours possible de faire appel à des agences de voyages spécialisées pour personnes à mobilité réduite. Durant ce périple, j’ai collaboré avec deux d’entre elles pour les aider à améliorer et à créer des offres de voyages accessibles. En Indonésie, j’ai rencontré Kerstin, agente chez « Accessible Indonesia », une personne passionnée et dévouée ayant à cœur de rendre possible aux personnes à mobilité réduite la découverte de ce pays qu’elle aime tant. Ensemble, nous avons visité “Fort Rotterdam” à Makassar, vestige de la colonisation européenne, et rencontré le gérant des lieux pour lui suggérer des améliorations à mettre en oeuvre concernant l’accessibilité du site. Quelques semaines plus tard, je me suis envolée pour le Myanmar pour travailler avec l’agence de voyage « Mira Travels” et l’organisme « Accessible Myanmar » au développement d’une formule de voyage accessible aux personnes à mobilité réduite. Pendant dix jours, j’ai visité différents lieux touristiques du pays, évalué leur accessibilité ainsi que celle des hébergements et transports, et suggéré des pistes d’amélioration et des solutions alternatives.

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Lors des échanges avec ces agences asiatiques, j’ai constaté une vraie volonté de faire avancer les choses. Ces pays ont tellement à offrir, ce serait dommage de s’en priver! En trois mois, nous avons découvert un mélange de cultures, nagé au milieu de poissons de toutes couleurs, admiré la faune et la flore de la jungle, contemplé des volcans, bronzé sur des plages de rêve et surtout fait de merveilleuses rencontres. Alors si c’était à refaire, je n’hésiterai pas une seconde!

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